mercredi 30 juillet 2014

Tour de magie : Gaza fait disparaitre les problèmes sociaux

« Un twit de Farah Baker vous fait passer nos indignations quotidiennes pour minables et égoïstes. Encore une facture à payer. Encore l’essence qui augmente. Encore l’État qui impose le travail. Encore les nationalistes qui nous insultent. »
PARDON ?

Tous les tweets de Farah Baker, tous les journaux d'Anne Franck, tous les témoignages d'opprimé-e-s à travers le monde ne me feront jamais oublier que nos luttes convergent et que nos difficultés et drames proviennent des mêmes pourvoyeurs de mort, de drones et d'armement, de pollution, de pillage des ressources, d'exploitation des populations, de chômage et de précarité.



Pensez-vous qu'un habitant de Gaza s'en fout des factures à payer ? Du prix du carburant ? De la précarité ? Du chômage ? De la corruption ? Du nationalisme et ses dangers ? Pensez-vous que la petite sœur de Farah, si elle survit, s'en foutra ? Les habitants de Gaza vivraient donc dans un monde parallèle où ils n'auraient aucun autre besoin que celui de continuer à respirer ?
Pensez-vous que le droit d'un être humain à SURvivre suffit, et que tout le reste n'est que broutilles ? Ne pas pouvoir payer ses factures ou ne pas trouver de vernis à ongles assorti à sa tenue, même combat futile ?

Quel étonnant paradoxe que voici : au nom de l' "humanisme", la précarité, le chômage et le danger nationaliste deviennent « des indignations quotidiennes pour minables et égoïstes. »

Je rappelle que nombre d'acquis sociaux ont été obtenus de haute lutte, et aussi dans le sang. Par des poignées de « minables et égoïstes » mus par la volonté d'améliorer leur sort et celui des populations, et qui ne se sont pas contentés d'être en vie et heureux d'être exploités, comme leurs oppresseurs les y invitaient. Et comme l'auteur du billet précédemment cité les y invite également.



Enfin, j'ajoute que si pour certain-e-s d'entre vous la réalité que décrit Farah est une nouveauté, un scoop, une révélation mystique, en revanche la guerre ça n'a RIEN de nouveau (encore moins en Palestine). Les irakiens vivent la même chose. Les syriens vivent la même chose. Les maliens vivent la même chose. Bien d'autres personnes ont vécu ou vivent aussi la même chose, même si leurs tweets ne parviennent pas jusqu'à vos écrans de télé, de PC, de tablette ou de smartphone. 
Et il n'y a pas que la crainte de mourir bombardé ou massacré dans les prochaines heures qui affecte les individus et les populations.
Les drames sont nombreux : famines, expulsions, manque de soins et de traitements médicaux, accidentés de la route, tsunamis, inondations, incendies, catastrophes industrielles, pollutions et contaminations diverses, chômage, délinquance et criminalité, précarisation, alcoolisme, violences, épidémies, liste non exhaustive.

Il y a des millions de Farah, de tous âges, tous sexes, tous horizons, qui souffrent terriblement dans le monde. Partout. Tout le temps.
Que proposez-vous ? De les hiérarchiser ? De comparer nos malheurs, en nous gardant bien de nous plaindre des puissants qui nous étouffent puisqu'il y a (toujours) pire ailleurs ?
Faudrait-il se contenter de picorer les miettes de minima sociaux qu'on daigne (encore, mais pour combien de temps) nous jeter, et de respirer l'air que l'on nous donne ?



Je ne veux pas me contenter de survivre.
Je ne veux pas me contenter des minima sociaux actuels, comme l'AAH qui est sous le seuil officiel de pauvreté.
Je ne veux pas me contenter du fait que mes amis perçoivent des salaires dérisoires.
Je ne veux pas me contenter du fait que les stagiaires se fassent entuber et effectuent le travail d'employés qui ne sont pas embauchés.
Je ne veux pas me contenter du fait que les patients dans les hôpitaux bouffent de la merde livrée par Sodexo.
Je ne veux pas me contenter du fait que des individus ou familles modestes ne partent jamais en vacances, n'aillent jamais au cinéma, n'accèdent à aucun loisir payant.
Je ne veux pas me contenter de laisser faire les déforestations, pollutions, pillages de ressources, braconnages et trafics.
Je ne veux pas me contenter d'échapper à l'épidémie de virus Ebola, aux rafles de sans-papiers, aux expulsions par des huissiers.
Je ne veux pas me contenter de laisser vivre des millions de gens dans des HLM avec un horizon de béton pour cour de promenade et pour avenir, sous prétexte qu'ils ont un toit sur la tête et que leurs immeubles ne sont pas bombardés.
Je ne veux pas me contenter de finir à la rue, sous prétexte que cette rue est moins dangereuse qu'à Gaza ou à Alep.
Je ne veux pas me contenter de risquer de dire un jour à Farah que ses tweets sont des « indignations quotidiennes pour minables et égoïstes » en comparaison de ce que peuvent endurer les enfants vendus comme esclaves sexuels sur des marchés parallèles, enfermés dans des caves et sodomisés plusieurs fois par jour.

Je ne veux pas qu'on se contente de survivre et de porter nos fardeaux en pleurant en silence, ni en trouvant du réconfort dans le fait de savoir que d'autres sont torturés, massacrés, exploités et souffrent davantage que nous. Quel réconfort suis-je sensée trouver, quelle sagesse suis-je sensée atteindre dans le spectacle d'une humanité, d'une planète, d'un enfant, ou même d'un âne à l'agonie ?


La seule leçon que l'on puisse en tirer, c'est que nous avons raison de nous plaindre. D'être en colère. De combattre toutes les injustices. D'exiger un monde meilleur (non pas Le Meilleur des Mondes), et pas simplement un monde dans lequel on survit.

Ne vous souciez que du sort des enfants bombardés (à Gaza de surcroit, en Irak on s'en fout hein, et les adultes aussi on s'en fiche) si le cœur vous en dit, mais il y a une chose que je vous interdis : c'est d'utiliser ces enfants, ces populations pour prendre en otage l'amélioration de ma qualité de vie, la défense de mes droits et la conquête de nouveaux. Que j'espère voir bénéficier à tous, y compris à Gaza.



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« Ce sont de mauvais découvreurs, ceux qui pensent qu'il n'existe pas de terre quand ils ne peuvent voir rien d'autre que la mer. »
Francis Bacon

vendredi 25 juillet 2014

Pourquoi la guerre ?

La guerre, c'est quand un clan (un peuple, un pays, une tribu, des gens) et un autre clan se tapent sur la gueule, à moyenne ou grande échelle, plus ou moins bien armés, en ayant pour objectif de faire autant de morts que possible et aussi mal que possible à l'autre clan, pour qu'il capitule.


Combien de temps ça dure ?

Des fois, un clan a beaucoup plus de matos et de soldats que l'autre clan, et il lui défonce la gueule en deux temps trois mouvements (et une dizaine de bombardements, histoire de rentabiliser le matos et de se la péter un peu).

 Dracaufeu se la pète en Syrie

D'autres fois, aucun clan ne capitule, et ils se tapent sur la gueule pendant très, très, très longtemps.

Et d'autres fois encore, ils en ont marre de se taper sur la gueule alors ils arrêtent. Avec moult communiqués humanistes et arrangements diplomatiques à l'appui, afin de ne pas passer pour des grosses tâches qui ont fait la guerre et tant de victimes pour rien.


Justement, des victimes y'en a plein

* Des soldats ou guerriers de chaque clan, évidemment, puisque c'est eux qui font la guerre et qui ont les armes (ça aide pour faire la guerre) ;

* Des gens qui n'ont rien demandé à personne, ne font pas la guerre, mais qui se prennent un missile, une roquette, un attentat ou des coups de machette dans la gueule quand même. On appelle ça "les civils", ou "populations civiles", pour les distinguer des combattant-e-s de chaque clan ;

* La nature qui, comme les populations civiles, s'en prend plein (genre : PLEIN) la tronche : écosystèmes et paysages ravagés par les incendies, par les bombardements, par les armes chimiques, par les besoins des militaires ou des réfugié-e-s ; chiens, chats, chevaux, bétail, faune sauvage, tous ces animaux blessés, agonisants, massacrés, abandonnés, perdus ou affamés, dans l'indifférence générale le plus souvent (aaaah, cet "humanisme" se résumant à "les humains d'abord", que c'est touchant d'égoïsme).
Si l'effet des gaz lacrymo sur des enfants voire des bébés vous émeut, imaginez donc l'effet de ces gaz sur un moineau. Et sur la plupart des formes de vie alentour. 


Jeux de guerre

Mode Multi obligatoire

La guerre ayant besoin de joueurs (car faire la guerre tout seul.. on s'ennuie vite), le mode solo est banni. En temps de guerre, le mode multijoueurs est obligatoire.
Qu'on soit attaqué - et déclaré vaincu - alors qu'on n'a rien demandé, ou qu'on soit sommé de rejoindre une team, pas moyen d'esquiver la guerre en mode solo.

Vous aurez beau expliquer aux autres joueurs que :


rien à faire, voici ce qui vous attend :



Les (effets) dominos

C'est quand, via un jeu d'alliances et d'intérêts de clans contre d'autres clans, le mode multijoueurs devient hors de contrôle. C'est ainsi qu'un conflit isolé peut déclencher une succession d'évènements, qui en déclenchent d'autres et ainsi de suite, et parfois aboutir à un immense foutoir généralisé (ou une guerre mondiale, oui voilà).




Le jeu du Céki Karaizon

Un jeu très prisé chez les humains, même en temps de paix, mais plus particulièrement en temps de guerre. Le jeu consiste à répéter inlassablement « C'est moi qui ai raison ! », que vous ayez raison ou non d'ailleurs peu importe, le but n'étant pas de savoir quel clan a vraiment raison mais d'offrir au public une joute digne des meilleurs tournois de ping-pong :

- C'est moi qui ai raison !
- Non c'est moi !
- Non toi t'es le méchant, donc c'est moi le gentil et les gentils ont toujours raison !
- Faux ! Le gentil c'est moi !
- T'es pas gentil ! Tu m'attaques !
- Toi aussi tu m'attaques !
- Oui mais moi je t'attaque parce que c'est moi qui ai raison !
- Noooon, c'est moi qui ai raison !
- Non c'est moi.
- Non c'est pas vrai.
- Si.
- Non.
- Si.
- Dis, c'est bientôt l'heure de l'apéro et puis y'a Les Ch'tis à Bagdad ce soir à la télé. On fait une pause ?
- Ouais t'as raison.
- TU VIENS D'ADMETTRE QUE J'AI RAISON ! J'ai gagnéééé !
- MAIS ! Ça compte pas t'as triché !



Le rôle des médias

On peut compter sur les médias pour convoquer tout leur savoir-faire :

 Oui, le traitement médiatique des guerres est sensiblement le même que celui des grèves

et nous offrir des analyses éclairantes : « L'ennemi est bête : il croit que c'est nous l'ennemi alors que c'est lui ! ».


Bref, 
la guerre c'est pas marrant. C'est fatiguant (on ne dort pas très bien sous les bombes), c'est dangereux et ça peut même faire très mal à tout le monde : aux gens, aux autres animaux, à la planète.
Et là, plein de bon sens vous vous dites : devant tant d'injustices, d'atrocités, de souffrances et de stupidité : mais pourquoi ?


Pourquoi la guerre ? 

Des clans se font la guerre principalement pour les raisons suivantes :


* Défendre un clan attaqué (le sien ou un autre)



* Pour des questions de territoires



* Pour imposer une religion



* Pour faire de l'argent



L'argent étant d'ailleurs la principale motivation pour déclencher une guerre, ou la faire durer :


Même si parfois, la population râle :



En résumé :



Oui, c'est même un peu le problème majeur de l'humanité.


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« Je hais violemment l'héroïsme sur ordre, la violence gratuite et le nationalisme débile.
La guerre est la chose la plus méprisable. »
Albert Einstein

samedi 5 juillet 2014

De la pratique du jeu vidéo à l'identité de « gamer »

J'ai commencé à jouer aux jeux vidéo durant mon enfance.
Je n'ai jamais vraiment cessé depuis.
Cela fait maintenant 30 ans que je joue aux jeux vidéo.
Et pourtant, jusqu'à il y a peu, je n'en avais absolument pas conscience.

Comment est-ce possible ?

C'est en me penchant sur ce sujet que j'ai (re)découvert la différence entre pratique et identité (liée à la notion de culture). Une différence qui est loin de n'apparaitre que dans les jeux vidéo, et qu'on retrouve dans de nombreux domaines comme la musique (écouter beaucoup de métal, est-ce être métalleux ?), le sport (faire beaucoup de vélo suffit-il à se considérer comme un sportif ?), ou même l'orientation sexuelle (on peut avoir des pratiques homosexuelles sans pour autant se reconnaître comme homosexuel-le).


La « révélation »

C'était un soir de décembre 2008. 
J'étais tranquillement en mode glandouille sur mon canapé, en train de jouer sur ma PSP. Mon compagnon arrive dans le salon, reste immobile quelques instants tandis qu'il me regarde, puis me dit quelque chose comme : 
- Mais tu joues tout le temps aux jeux vidéo en fait !
- Hein ? Mais non, je joue grave moins que toi.
- Moi je joue beaucoup sur PS3. Toi, si on cumule le temps que tu passes à jouer sur ta DS, ta PSP, ton PC, ton téléphone portable...
- Non mais le téléphone portable ça compte pas, c'est pas "des vrais" jeux vidéo...
- Pourquoi t'en as autant alors ? T'en as combien d'installés sur ton téléphone ?
- Je sais pas... (le déni est alors total ^^ après avoir vérifié j'en avais au bas mot une quarantaine)
- T'as combien de jeux sur le PC ? Rien que sur DS t'en as au moins une quinzaine, et pareil sur PSP. Sans déconner tu joues beaucoup, partout (« Et depuis longtemps » ajoute alors une petite voix dans ma tête), sur plusieurs supports, t'as plein de jeux, t'es un gamer.

Ah oui !
Mais... ?
NON.
Un bon gros "NON", d'environ 20 mètres de haut et pesant plusieurs tonnes. Taillé dans la roche.
Qui commençait pourtant à se fissurer sous l'assaut de souvenirs innombrables :

* les jeux électroniques, dès l'âge de 5 ans et durant des années ; et le plaisir que je prenais à battre mes propres records ou améliorer mes performances ;


* mes premiers jeux sur PC, qui ont mis pour toujours des étoiles dans mes yeux : Tetris, Battle Chess (sur lequel j'ai appris à jouer aux échecs), et Le Manoir de Mortevielle. J'y jouais sur l'ordinateur de l'école primaire, à l'hôpital (j'allais à l'hôpital tous les jours et j'étais scolarisée sur place). Le prof me confiait la clé de la classe chaque soir après les cours pour que je puisse jouer en attendant les ambulanciers qui me ramenaient chez moi (et à qui je demandais expressément d'être en retard pour pouvoir jouer plus longtemps ^^) ;

* mes premiers déboires de joueuse de jeu vidéo : le désespoir de perdre une sauvegarde (la SEULE fois où j'ai réussi à battre mon prof sur Tetris, la sauvegarde n'a pas fonctionné !, quelle injustice), et celui d'avoir changé d'école avant d'avoir terminé Le Manoir de Mortevielle (toutes les écoles devraient avoir des ordinateurs, et Le Manoir de Mortevielle installé dessus) ;

* les après-midi chez les cousins-cousines, voisins-voisines, potes du collège, pour jouer aux jeux vidéo : les uns étaient fans de Sega et avaient la Master System puis la Mega Drive, d'autres étaient fans de Nintendo et avaient la NES puis la Super Nintendo, ainsi même si nombre d'entre nous ne disposions pas de consoles de salon à l'époque (et encore moins d'ordinateur à domicile), on a tout de même pu jouer sur plusieurs supports ;

* le harcèlement l'insistance auprès de ma famille pour avoir la Game Boy à Noël, puis l'année suivante la Game Gear (et ses fameuses 6 piles pour 1h30 à 2h d'autonomie ^^ heureusement qu'on pouvait aussi la brancher sur secteur) ;

* l'émerveillement la première fois que j'ai allumé ma Game Boy pour jouer à Super Mario Land ; pareil avec ma Game Gear et Sonic ; je trouvais tout ça si beau, si fluide, si trop cool super youpi chouette génial ! ;

* l'émotion devant les musiques de Gargoyle's Quest et ses graphismes ; la découverte des combats aléatoires (et il y en avait beaucoup, le chemin entre chaque village ou donjon n'était pas de tout repos ^^) ;

* la joie quand j'ai enfin pu jouer à Castlevania : The Adventure, que j'attendais depuis des mois, économisant tous mes deniers pour me l'offrir ;

* ma profonde perplexité devant A Boy and His Blob : The Rescue of Princess Blobette quand je l'ai commencé ("Il faut nourrir cet ectoplasme avec des Tic Tac ? Really ?!"), puis mon enthousiasme après y avoir joué plusieurs fois (on s'attache vite à ce compagnon couteau suisse informe et souriant) ;

* l'argent de poche, des anniversaires... que j'économisais pour m'acheter (en cachette ^^) de nouveaux jeux vidéo, et les magazines JV de l'époque ;

* les discussions interminables au collège sur les sorties attendues, les soluces, les consoles sur lesquelles on bavait en lisant les tests dans les magazines, et tous les jeux vidéo qu'on s'échangeait ou qu'on se prêtait ;

* ce prof au bahut qui avait installé sur les ordinateurs de sa classe un jeu de plates-formes, avec lequel on pouvait notamment éditer ses propres niveaux ;

* un atelier en école primaire, où on entrait des lignes de code sur un logiciel informatique pour diriger un robot (en forme de coccinelle tortue, merci Juan pour la rectification !) et lui faire réaliser un dessin ;

* la fois où j'ai failli tuer mon cousin, car il a magnifiquement saboté un high-score que j'étais en train d'accomplir sur Buraï Fighter Deluxe ;

* la re-découverte des jeux sur PC en internat au lycée, grâce à des étudiants en informatique : Wolfenstein (je tentais, en vain mais systématiquement, de m'en sortir sans tuer les chiens ^^), Prince of Persia, Bomberman en réseau (ah, ces soirées à s'exploser mutuellement la tronche dans la joie et la bonne humeur), etc... ;

* le détour que je faisais systématiquement par une salle d'arcade ou un magasin de jeux vidéo quand j'en croisais ; le vendeur super sympa de Score Games qui m'avait accordée tout son temps, et m'avait conseillée Megaman : Dr Wily's Revenge que j'avais adoré ;

* ma première console de salon : la Playstation, puis la version PS One (que j'ai toujours) ; les Formula One, les Tekken, Resident Evil, Silent Hill, Rayman... ;

* le vide que j'ai ressenti, puis la tristesse, lorsqu'étant dans le besoin, je me suis résolue à vendre ma Game Boy Color et tous mes jeux Game Boy ; ça m'aura servi de leçon (amère) : plus jamais je n'ai revendu mes consoles et mes jeux ;

* l'acquisition, dès que j'ai pu, d'une PS One, d'une DS, d'une PSP, et de nombreux titres, alors que je n'avais pas vraiment de budget à y consacrer ;

* l'acquisition de non moins nombreux "jeux vidéo" sur mes téléphones portables successifs, même si pendant longtemps je ne les ai pas considéré (à tort) comme des jeux vidéo ;

* une foultitude de souvenirs, de sons (bruitages et musiques), d'images : Cool Spot, Mick and Mack as the Global Gladiators, les jeux LucasArts, Syberia 1 et 2, L'Amerzone, Postal 2 (on pouvait faire pipi sur les PNJ et les faire vomir !, quelle révolution !), Sanitarium, Neverwinter Nights, GTA San Andreas, Post Mortem, Runaway : A Road Adventure... et tellement, teeeellement d'autres ; tellement, teeeellement de temps passé à jouer aux jeux vidéo.

Et là, ça fait tilt.
(ah tiens, comme dans les jeux de pinball)
Oui, je jouais aux jeux vidéo. Et pas qu'un peu. En tout cas bien plus que je ne l'avais imaginé jusqu'à ce moment précis. Je ne jouais pas simplement aux jeux vidéo : ils faisaient partie de mon quotidien, de mon histoire, ils avaient accompagné mon évolution comme j'avais accompagné la leur. Je ne l'avais juste pas réalisé.



De la pratique du jeu vidéo à l'identité de « gamer »

D'un naturel à gamberger, j'ai commencé à chercher des réponses :
* Pourquoi n'avais pas percuté avant ?
* Pourquoi ce « NON », ce réflexe de déni quand on m'a considérée pour la première fois comme un « gamer » ?

Le gamer était pour moi une image précise, caricaturale et lointaine dans laquelle je ne me reconnaissais pas. Ma pratique du jeu vidéo, qu'en outre je sous-estimais grandement, ne suffisait pas à me définir, me reconnaitre en tant que gamer.



Le stéréotype du gamer

"Le gamer" (terme que j'utilise indifféremment pour les hommes et les femmes, car il est pratique : c'est un mot anglais neutre, on dit "a gamer", "the gamer", qu'il s'agisse d'un homme ou d'une femme) était pour moi, et c'est encore le cas pour de nombreuses personnes : un mec ou une nana qui passe tout son temps sur son PC ou sa console de salon (exit les consoles portables et les téléphones mobiles), ne joue qu'en multi à des Call of Duty, Street Fighter, ou à des MMORPG, participe éventuellement à des compétitions, et n'a que le jeu vidéo pour seul loisir et passion.

Et c'était pas du tout mon cas. Je joue le plus souvent sur console portable que sur console de salon ou PC ; je joue à trouzemille types de jeux vidéo différents (même si j'ai mes préférences, comme tout le monde) ; je déteste le multi, je ne joue jamais en multi sauf lorsqu'un jeu m'y "oblige" (comme les Animal Crossing : difficile d'obtenir tous les fruits sans passer par un échange avec d'autres joueurs), et j'aime par-dessus tout les périples de plusieurs heures en mode solo ; j'aime faire du high score contre moi-même, ou quelques courses ou combats contre des potes, mais je n'en ai rien à secouer des compèt' officielles ; et les jeux vidéo, bien qu'étant une part importante de mes activités et de mon intérêt, sont loin d'être ma seule occupation.

 Je suis aussi chef d'État.


La culture et la communauté « gaming »

Outre le stéréotype du gamer que j'avais en tête et dans lequel je ne me reconnaissais pas, un autre élément m'a empêchée de m'identifier en tant que joueuse de jeux vidéo : je ne faisais tout simplement pas partie de cette "communauté". Je ne lisais plus (ou très peu) la presse et les médias JV depuis longtemps ; je ne fréquentais pas de joueurs et joueuses affiché-e-s comme tel-le-s avec qui discuter de jeux vidéo ; je ne fréquentais pas davantage les forums ou sites internet dédiés ; je me tenais très peu au courant de l'actu JV (pour mes achats : je sais ce que j'aime, et n'ai pas de budget à consacrer à des "expériences vidéoludiques" pouvant se révéler décevantes) ; je n'allais jamais dans des salons ou conventions ou expos sur les jeux vidéo.

J'avais la pratique, l'expérience, mon histoire avec les jeux vidéo, mais pas tout le reste. J'avais pour ainsi dire une relation "privée", personnelle avec les jeux vidéo, mais j'étais étrangère à toute leur dimension sociale, culturelle et communautaire.
Je l'avais pourtant un peu connue durant l'enfance puis au collège, mais ce n'était pas à proprement parler culturel ou communautaire, et encore moins identitaire : on aimait juste (beaucoup) les jeux vidéo.

Et beaucoup aimer les jeux vidéo, beaucoup y jouer, ne suffit pas à appartenir de fait à la communauté gaming.
Une "communauté" ne se rassemble pas uniquement sur une pratique ou des goûts mais sur une culture commune : des médias, des "rituels" (aller chaque année en convention peut en être un), des codes (langagiers, vestimentaires), des lieux (bar gaming, local d'asso, conventions), des dates (l'anniversaire de tel jeu, telle console, tel créateur de personnage, tel journaliste JV), des évènements, des livres, des personnages, des musiques, des adaptations au cinéma, des pubs et slogans cultes, des produits dérivés, une histoire et un patrimoine, et le partage de tout ceci avec d'autres, c'est ça une culture, une "communauté".

Cela suppose donc d'être (inter)actif : on va dans un bar gaming, on va assister à un tournoi, on va consulter un topic de forum, on va regarder une chaine Youtube, on participe à un concours, on rédige un commentaire sous un test JV, on partage sur les réseaux sociaux des articles, images ou anecdotes, on achète un t-shirt ou un bouquin, on consulte l'actu JV, etc. Tout ceci nécessite un fort investissement personnel, qui va bien au-delà de l'investissement (déjà conséquent) consacré à la pratique du jeu vidéo.


Or cet investissement personnel dans l'acquisition de la culture JV, la fréquentation, l'appartenance active à cette communauté, présuppose de s'identifier en tant que gamer, ou tout du moins de prendre conscience que les jeux vidéo, le temps et l'argent qu'on y consacre, vont au-delà d'une pratique occasionnelle ou dilettante.
Si on ne se reconnait pas soi-même en tant que gamer, on ne fréquente pas ce milieu, on n'acquiert pas sa culture, et on ne devient pas gamer. S'identifier en tant que gamer est à la fois le point de départ et le résultat du processus.

Ce n'est que lorsque j'ai pris conscience de l'importance de ma pratique et de mon histoire personnelle, de mon vécu avec les jeux vidéo, que j'ai commencé à réfléchir, à questionner l'identité de gamer, à m'intéresser à l'univers des jeux vidéo, à sa culture, ses médias, son industrie, et in fine ce qui s'appelle une "communauté" (tout du moins au sens biologique du terme : l'interaction d'organismes vivants partageant un environnement commun).
Puis cette communauté JV, j'ai décidé de la découvrir et de m'y aventurer. Et c'est comme ça que j'ai débarqué.



Ces gamers hommes et femmes qui s'ignorent, et sont ignoré-e-s

Je pense que nombre de gamers s'ignorent. Et n'apparaissent ainsi pas ou peu dans les fameuses (fumeuses) statistiques concernant le nombre de joueurs, leur âge, leur sexe, etc. Il est probable que beaucoup de gamers, dont de nombreuses femmes, soient ainsi "invisibilisé-e-s" aux yeux de la communauté et de l'industrie du jeu vidéo.

Certes, on ne peut pas reprocher à ces "gamers de l'ombre" de préférer le mode Solo. Mais on peut souhaiter qu'ils ou elles quittent de temps en temps le confort de leur canapé pour pousser la porte d'une asso JV (coucou MO5), ou rejoindre la foule bigarrée des conventions et salons. IRL, le mode multi ça peut être sympa.

 Photo prise à Geekopolis.

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« Tu me dis, j'oublie. Tu m'enseignes, je me souviens. Tu m'impliques, j'apprends. »
Benjamin Franklin