lundi 21 octobre 2013

(dés)Accords PS : que va-t-on faire des communistes ?, et autres perspectives pour le Front de Gauche

Le Front de Gauche se fissure. Et, sans grande surprise, cela vient du PCF. Plus précisément de la direction du PCF-Paris, qui a proposé - avec une insistance certaine voire palpable - à ses militants de faire liste commune  AVEC  LE  PS  aux prochaines élections municipales.

(deux secondes, je reviens)




Faisons d'abord un bref tour d'horizon des différents protagonistes, pour ne pas dire personnages d'une pièce de théâtre hélas mille fois vue et revue :

* Le Front de Gauche (FdG)
Le Front de Gauche n'est pas un parti politique ; il est le rassemblement de plusieurs partis, et courants, politiques : le Parti de Gauche (PG), le Parti Communiste Français (PCF), la Fédération pour une alternative sociale et écologique (FASE), la Gauche Unitaire (GU), République et Socialisme, Convergences et Alternative, le Parti communiste des ouvriers de France, la Gauche anticapitaliste, et d'autres, notamment des soutiens associatifs et syndicaux.

Le FdG a réussi à fédérer la majorité des partis et courants politiques anti-libéraux - là où le NPA a échoué à fédérer les forces anti-capitalistes - et rassemble globalement la gauche antilibérale, plus précisément hostile à l'Europe libérale et à la ratification du traité de Lisbonne, ainsi qu'à d'autres traités et politiques de "compétitivité" et d'austérité imposées par la communauté européenne et les lobbys de la finance et de ses "lois du marché".

Le FdG n'est donc pas, pas de fait en tout cas, anti-capitaliste (d'où la difficulté à s'unir avec le NPA et autres courants anti-capitalistes) . Il est pour un capitalisme "raisonné", maitrisé, au service du peuple et du bien commun.
(je ne m'attarderai pas ici à juger de la pertinence d'essayer de maitriser un chien atteint de la rage - c'est toujours mieux de l'attacher solidement à une chaine plutôt que de le laisser baguenauder en liberté, m'enfin... bon)

* Le Parti Communiste Français (PCF)
Le Parti Communiste Français est un vestige historique, et symbolique. C'est pourquoi je serais vraiment, et sincèrement, désolée s'il venait à disparaitre. Le PCF, qu'on le veuille ou le non, est la mémoire des luttes ouvrières passées, leur gardien et leur témoin (témoin bien trop silencieux, d'ailleurs). La mort du PCF serait une catastrophe majeure, le glas d'une époque, alors que la lutte des classes - qu'on voudrait nous faire croire révolue - est toujours d'une brûlante actualité.

Mais le PCF n'est pas QUE ça. Le PCF est aussi un parti politique, qui n'est plus communiste. Cherchez des traces de collectivisation des moyens de production, ou de dictature du prolétariat (oui, on a bien le droit de jouer nous aussi :D) dans les divers programmes électoraux du PCF, et vous rentrerez brocouille, comme on dit dans le Bouchonnois.
C'est pourquoi ceux qui craignent une invasion de chars soviétiques peuvent se rassurer.
Les militants véritablement communistes se font rares, et vivent globalement leurs penchants idéologiques comme une maladie honteuse.


Ce "non-(au)-communisme-primaire" étant profondément installé au sein même du PCF, le PCF n'a plus à se soucier de communisme, d'idéologie, mais uniquement de faire (sur)vivre le parti.
Y compris en filant le train à la "Gauche molle", à la "fausse Gauche", bref en s'acoquinant parfois avec le PS.

C'est bien là que le bât blesse (il est même meurtrier, du moins pour le PCF : suicidaire).
Si je comprends l'attachement profond des militants communistes à leur parti - en raison de ce que je viens d'évoquer - car j'éprouve ce même attachement sincère à tout ce qu'il représente (ou plutôt ce qu'il a représenté), je ne comprends en revanche pas qu'ils puissent quasi-systématiquement défendre, dans un réflexe de survie (à court terme, les gars) les intérêts d'un parti politique au détriment des intérêts du communisme, et de la lutte des classes, bref de leurs idéaux.
Et plus précisément aujourd'hui au détriment d'une union jusqu'ici indéfectible au sein du FdG, à Gauche donc, c'est-à-dire SANS LE PS.

Ce que les militants communistes oublient, du moins certains (encore trop) d'entre eux, c'est que leur parti n'est pas qu'un gardien de la mémoire ouvrière et de luttes victorieuses passées (et d'erreurs, dont certaines trèèèèès grosses je le rappelle, histoire de), c'est aussi : un parti politique. Un appareil politique. Comme les autres.
Et on sait bien - mais si on le sait, ne te cache pas derrière ton petit doigt, je te vois petit coquin - ON SAIT BIEN que les intérêts d'un parti politique (ou d'un syndicat - hop, un deuxième pour la route), notamment financiers, hiérarchiques - de pouvoir, ne sont pas toujours les mêmes que les intérêts du peuple - du moins tels qu'un communiste les conçoit ou devrait les concevoir.
Les intérêts des partis politiques, plus précisément des individus qui vivent de ces partis politiques (élus, députés, permanents politiques, syndicaux voire associatifs, etc) deviennent le plus souvent divergents, pour ne pas dire contradictoires, avec les intérêts des militants de la base et plus généralement avec les intérêts de la classe prolétaire.
Et c'est pas un scoop ce que je dis là, les milliers de militants et militantes qui ont quitté le PCF depuis ces vingt ou trente dernières années savent très précisément de quoi je parle. (De même que nombre de militant-e-s ayant déserté d'autres partis et syndicats.)

Il arrivera donc un moment où les militants communistes (et tant d'autres) devront faire un choix, et un choix immensément douloureux s'il en est, mais nécessaire et salvateur : leurs valeurs et idéaux, ou le parti.
L'unité dans un véritable collectif de Gauche au service d'objectifs communs, ou l'union avec le PS.
Parce que le PS, c'est ça :

* Le Parti Socialiste




Voilà pour les personnages.

Quant au décor : des élections municipales.

L'enjeu : la cohérence politique, tant celle du PCF que celle du FdG - puisque le PCF en fait partie (tout en souhaitant faire liste commune avec le PS, ce qui suggère quelques petits soucis niveau cohérence, donc. Hein. Voilà voilà.)

Le cliffangher : le PS propose une alliance au PCF, lequel remet la décision d'accepter cette sombre alliance ou non entre les mains de ses militants.
Suivront-ils les recommandations de la direction de leur parti, 
ou opteront-ils pour une stratégie de cohérence politique avec le Front de Gauche ?
Que vont décider les militants communistes de Paris ? MAIS QUEL SUSPENSE !

Alors en fait : nan. Pour qui a déjà vu cette pièce de théâtre, c'est-à-dire pour qui suit vaguement la vie politique du pays (c'est rudement utile, vous devriez essayer) depuis plusieurs années, il n'y avait évidemment, et hélas, aucun suspense :

Le PCF a déjà cédé par le passé, cède aujourd'hui, et cèdera encore à l'avenir au chant des sirènes du Parti Socialiste. C'est comme ça. 
Pourquoi donc ?, vous demandez-vous (mais si).

Les cadres du PCF cèdent au nom de l'intérêt immédiat que le parti peut en tirer (en réalité : leurs carrières, leurs avantages personnels, non ceux du parti puisqu'en fricotant avec le PS il perd environ toute crédibilité). Par exemple, 13 postes de conseillers de Paris (contre 8 aujourd'hui) et 32 conseillers d'arrondissement - si leur liste avec le PS remporte l'élection, évidemment (une condition sine qua non qui a semble-t-il échappé à de nombreuses personnes). Autre exemple : des ministres PCF dans un gouvernement PS, comme ce fut le cas durant le gouvernement Jospin, avec le succès que l'on connait.


Les militants PCF, eux, ne sont pour la plupart pas emballés du tout par des alliances avec le PS. Mais il suffit qu'on agite le chiffon rouge (huhu) de l'intérêt suprême du parti pour qu'aussitôt - tel un réflexe dicté par le cerveau reptilien - l'instinct de survie (du parti, non de la classe prolétaire, notez cette substantielle différence) l'emporte. Sur tout autre considération.

Le PS, qui n'est pas débile, et la direction du PCF, qui n'est pas débile non plus, comptent sur ce réflexe primitif de leurs militants. Et ils ont bien raison puisque ça fonctionne (presque) à chaque fois.
Bref, on l'avait vu venir. Et c'est triste.



C'est triste. Mais pas irrémédiable.
Pour le comprendre, revenons sur cet article de Libé, et plus précisément sur cet extrait comportant des déclarations du secrétaire fédéral du PCF de Paris, Igor Zamichei :
« Le Front de Gauche sans le PG ce n'est pas le Front de Gauche. Le Front de Gauche sans le PCF, ce n'est pas le Front de Gauche. Nous ne réduisons pas le Front de Gauche à une stratégie d'autonomie électorale. » Pour ce proche de Pierre Laurent, « c'est un choix de raison par rapport à un territoire donné […] pas un choix absolu »
Donc pour les européennes qui suivront deux mois après, les communistes comptent remettre l'étiquette « Front de Gauche » sur leurs tracts et affiches et faire cause commune avec ceux qu'ils auront affrontés en campagne municipale...
Aaaaaaah.... haha ^^ Ah ouais.
Mais nan.
Ce que Igor Zamichei qualifie de « réduire le Front de Gauche à une stratégie d'autonomie électorale », moi j'appelle ça : réunir le Front de Gauche sur une ligne politique cohérente et claire. Laquelle cohérence est également la base commune de l'unité du Front de Gauche ; laquelle unité est formée par un dénominateur commun qui est : 
oui à une vraie Gauche, donc non au PS.
Parce que : le PS.

(oui, je la remets, c'est un aide-mémoire et une boussole politique extrêmement utiles)



Et donc, camarade Igor Zamichei, j'ai envie d'te dire : c'est pas parce que tu nous invites au bal qu'on a (encore) envie de danser avec toi. Des accords avec le PS, c'est pas la lutte finale : c'est la honte finale.


Les statuts du Parti Communiste Français autorisent "l'autonomie" (ça sonne mieux que "trahison", ben si quand même) de leurs sections dans leurs alliances, y compris en cas d'alliance avec le PS. Ce que les militants du PCF n'arrivent pas à imposer dans leur parti, malgré plusieurs tentatives qu'il faut saluer, il faut l'imposer au sein du Front de Gauche : voter une motion qui s'appliquera à tout parti, organe politique ou structure souhaitant intégrer le Front de Gauche, écrire noir sur blanc, graver dans le marbre qu'aucune alliance avec le PS n'est envisageable. Jamais jamais. Pas plus qu'une alliance avec le FN, l'UMP ou le MEDEF ne l'est.



Cela signifie, en outre : arrêtez de nous prendre pour des cons avec "le vote utile". Le vote utile, on se torche avec.

Et pourquoi jamais d'accords avec le PS ?, jamais jamais ?
PARCE QUE.

(mais si, à force ça va bien finir par rentrer. Même s'il faut y aller à coups de faucille et de marteau. Ou de piolet. huhu.)



Pour aller plus loin, et saupoudrer vos neurones de paillettes de bonheur militant et de dignité idéologique retrouvée, hourra !, cliquez donc là :

* Lettre de démission de Maeva Nicotra, secrétaire de la section PCF du 15ème arrondissement de Paris

* Les communistes parisiens ouvrent un grand boulevard au Front national : « La perte de visibilité est terrible pour nous. Elle aide l’extrême-Droite à se présenter comme la seule alternative au système. »

* Proudhon, Marx et le socialisme
Oui, l'autre socialisme, voilà :D


* Homosexualité et Révolution, de Daniel Guérin

Ah ben ça a une autre gueule qu'un tract commun avec le PS, j'vous l'fais pas dire...


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"En politique toute faute est un crime."
Eugène Chatelain

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