mardi 20 mars 2012

Y'a-t-il une rue Guy Môquet à Neuilly-sur-Seine ? ou le poème de Guy Môquet que Sarkozy ne fera pas lire aux écoliers

S'il y a un titre de film qui irait comme un gant à la carrière politique de Nicolas Sarkozy, c'est : "Piège en eaux troubles".

De l' "ouverture" de son gouvernement aux rapatriés du PS en passant par ceux du FN, de l'éloge de Guy Môquet à la chasse aux sans-papiers, du Président de "tous les français" à celui du Fouquet's, de celui qui vante les mérites du travail acharné mais prend des vacances sur le yacht de Bolloré, du chef d'État qui prône la rigueur budgétaire mais s'offre une augmentation de salaire de 170% dès son entrée en fonction... le moins que l'on puisse dire, c'est qu'avec Sarkozy on nage en eaux troubles.

Mais depuis la nette extrême-droitisation de son gouvernement et de sa campagne présidentielle (très remarquée par la presse outre-Atlantique, qui l'a notamment affublé du nom de "Nicolas Le Pen"), on ne nage plus en eaux troubles : on patauge dans le purin.

Alors laisser ce sombre individu se racheter un semblant de respectabilité et s'enorgueillir d'avoir rendue obligatoire la lecture en classe de "La lettre" de Guy Môquet, c'est au-dessus de mes forces.
(et je suis loin d'être la seule)

Guy Môquet était un jeune militant communiste, fusillé à 17 ans. Il ne s'est pas "sacrifié pour la France" comme aime le laisser entendre Nicolas Sarkozy mais a été arrêté, sur dénonciation, par la Police française collaborant avec l'occupant nazi.
Son crime ? Distribuer des tracts communistes.
Eut égard à son jeune âge, il aurait dû être libéré de prison : le 23 janvier 1941, la 15ème chambre correctionnelle de Paris « acquitte le jeune Môquet comme ayant agi sans discernement. »
Mais c'était sans compter sur le zèle de la Police française collabo : la 1ère section des Renseignements Généraux (les "fameux" RG) donne un avis défavorable à sa libération, et Guy Môquet est transféré à la maison d'arrêt de la Santé, puis à la Centrale de Clairvaux, puis enfin au camp de Choisel à Châteaubriant, où étaient détenus d'autres militants communistes.

Le 20 octobre 1941, Karl Hotz, un commandant nazi, est abattu par un commando de trois jeunes communistes. En représailles, les occupants allemands décident de fusiller 50 prisonniers français. Les services du Ministère de l'Intérieur français - trop aimables... - proposent une liste de 61 noms de prisonniers et otages, pour la plupart des militants communistes. Guy Môquet ne fait pas partie de la liste, mais les autorités allemandes l'y ajoutent.

Le 22 octobre 1941, 48 otages sont fusillés :
- 5 au Fort du Mont-Valérien,
- 16 à Nantes,
- 27 à Châteaubriant, dont Guy Môquet.
La majorité d'entre eux sont des militants communistes et/ou syndicaux.

Ainsi donc, et n'en déplaise à l'instrumentalisation que tente d'en faire Sarkozy, Guy Môquet n'était pas un jeune troufion envoyé sur le champ de bataille et nourri au culte du sacrifice pour son pays.
C'était un jeune, qui est mort pour ses idées. De Gauche, les idées.


Se sachant condamné, Guy Môquet rédige cette fameuse "lettre" : l'une de ses dernières lettres, la lettre d'adieu à ses parents.
Celle-la même dont Nicolas Sarkozy a rendu la lecture obligatoire en classe, outrageant ainsi éhontément la mémoire de Guy Môquet en faisant mine de la célébrer.

En voici le contenu :

« Ma petite maman chérie,
mon tout petit frère adoré,
mon petit papa aimé,

Je vais mourir ! Ce que je vous demande, toi, en particulier ma petite maman, c’est d’être courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi.

Certes, j’aurais voulu vivre. Mais ce que je souhaite de tout mon coeur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé mes deux frères Roger et Rino. Quant au véritable je ne peux le faire hélas !
J’espère que toutes mes affaires te seront renvoyées, elles pourront servir à Serge, qui je l’escompte sera fier de les porter un jour. 
À toi, petit Papa, si je t’ai fait, ainsi qu’à petite Maman, bien des peines, je te salue une dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée. Un dernier adieu à tous mes amis et à mon frère que j’aime beaucoup. Qu’il étudie bien pour être plus tard un homme.
17 ans et demi ! Ma vie a été courte !
Je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous.
Je vais mourir avec Tintin, Michels.
Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine. Je ne peux pas en mettre davantage. Je vous quitte tous, toutes, toi Maman, Serge, Papa, je vous embrasse de tout mon cœur d’enfant.
Courage !
Votre Guy qui vous aime

Dernières pensées : Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir !
»


« Vous tous qui restez, soyez dignes de nous, les 27 qui allons mourir ! »
Soyez dignes de nous...

Est-ce que c'est digne qu'un homme politique libéral, qui appauvrit son peuple et joue avec les haines racistes et xénophobes, instrumentalise la mémoire d'un jeune militant communiste afin d'attiser chez les adolescents la flamme du "sacrifice pour la nation" ?
C'est digne, ça ?

Non, Guy Môquet ne s'est pas sacrifié "pour la France".
Il a été sacrifié par la France, sur l'autel de la Collaboration entre la France et l'Allemagne nazie.
Il a été dénoncé, puis arrêté, et empêché d'être libéré par la Police française.

Non, Guy Môquet ne servirait jamais les intérêts d'un homme comme Nicolas Sarkozy. 
J'en veux pour preuve ce poème, connu sous le nom de « Poème de Guy Môquet », mais bien moins connu que la « Lettre de Guy Môquet » - hélas.
C'est un poème qui a été trouvé dans la poche de Guy Môquet, lors de son arrestation.

Nicolas Sarkozy ne demandera jamais la lecture obligatoire de ce poème en classe... Étonnant, non ?

« Parmi ceux qui sont en prison
Se trouvent nos 3 camarades
Berselli, Planquette et Simon
Qui vont passer des jours maussades

Vous êtes tous trois enfermés
 Mais patience, prenez courage
Vous serez bientôt libérés
Par tous vos frères d’esclavage

Les traîtres de notre pays
Ces agents du capitalisme
Nous les chasserons hors d’ici
Pour instaurer le socialisme

Main dans la main Révolution
Pour que vainque le communisme
Pour vous sortir de la prison
Pour tuer le capitalisme

Ils se sont sacrifiés pour nous
Par leur action libératrice. »


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