lundi 25 avril 2011

Je vous déteste ! Sauf ceux que j'aime (Alphonse Allais et tant d'autres)

Je déteste l'humanité. Mais vraiment hein. Je la trouve stupide. Dangereusement et cruellement stupide. J'en suis arrivée à un point où je ne supporte plus sa bêtise, son inconscience, sa cruauté, son irresponsabilité, son asservissement (à une religion, à une nation, à un compte en banque, à un chef de service...), son esclavagisme salarial et social "librement" consenti, ses lois et impôts (payer pour habiter sur Terre ? Payer pour produire des richesses ? Re-payer pour en jouir ? Un de ces jours les humains paieront l'air qu'ils respirent ou un impôt sur chacun de leurs battements de coeur), son égoïsme et son arrogance qui s'expriment à travers son incroyable capacité à se croire au-dessus de tout : au-dessus des cycles naturels, au-dessus des autres espèces animales, et même au-dessus de ses propres congénères.

Un exemple tout bête : ceux-celles qui vous lâchent la porte à la gueule...
Ca parait relativement logique, et pas très compliqué, de tenir la porte pour celui ou celle qui passe derrière soi. Même moi qui suis en fauteuil roulant, je la tiens la porte si quelqu'un arrive... Hé ben non, faut croire que pour la plupart des humains, c'est un exercice bien trop difficile : 8 fois sur 10, on vous lâchera la porte en pleine tronche. Et si vous gueulez, tout ce que le fautif (ou la fautive, l'imbécilité n'étant pas l'apanage des seuls mâles) trouve à répondre c'est : "je vous avais pas vu"...
Tiens donc ?!

Bref examen de la personne en question : a priori cette personne n'est ni aveugle, ni malvoyante ni borgne. Elle se tient debout, marche et parle (puisqu'elle vient de répondre "je vous avais pas vu"), ce qui suggère que ses facultés cognitives et locomotrices de base sont intactes.
D'autre part, Dame Nature l'a pourvu d'un champ visuel s'étendant de 60° vers le haut, 70° vers le bas, et environ 90° latéralement voire plus, ce qui correspond à un objectif photographique "grand angle" de 180° (voir le schéma ci-dessous) :

champ visuel humain

Cette personne qui vous a lâché la porte dans la tronche au motif qu'elle "ne vous avait pas vu" dispose en outre, comme la plupart de ses congénères de l'espèce humaine, d'une vision binoculaire gérant la 3D, et d'une tête montée sur pivot (le cou) lui permettant de gagner encore en champ visuel.

Ainsi donc, cette personne dispose de l'acuité visuelle nécessaire, de la coordination des mouvements nécessaires (puisqu'elle peut marcher, c'est qu'elle arrive à coordonner ses mouvements, et en toute logique elle devrait aussi pouvoir tenir la porte), et a priori cette personne dispose aussi des millions de connexions neuronales nécessaires lui permettant d'intégrer ces différentes informations et de prendre les décisions / agir en conséquence.
Autrement dit, cette personne est parfaitement et idéalement faite pour vous tenir la porte.
Mais malgré cela, elle ne l'a pas fait.

Deux explications possibles :

- Soit cette personne est manifestement atteinte de troubles sensoriels ou neurologiques sévères et non diagnostiqués, l'ayant empêché de percevoir les informations de son environnement immédiat et/ou l'empêchant de maitriser la coordination des mouvements nécessaires pour réagir adéquatement (et vous tenir la porte) ;

- Soit elle se fout de votre gueule.
Et doublement : en prétendant ne pas vous avoir vu, et au sens premier du terme : c'est-à-dire qu'elle en a rien à foutre de vous, elle s'en fout que vous vous preniez la porte dans la tronche.

Pareil pour ceux-celles qui ne mettent pas leur clignotant (pourtant, ça coûte pas plus cher de l'utiliser hein !), traversent la rue sans regarder (comme si les voitures avaient le pouvoir magique de stopper net), ceux qui jettent leurs emballages par terre (paquets de clope, bouffe, cannettes...la poubelle à 20 mètres de là semble tellement loin !, c'est pas des Vasco de Gama ni des Christophe Colomb ceux-là, j'vous jure....), pour ceux qui ont inventé les mines anti-personnel, etc...

Du nazillon qui saccage des cimetières juifs ou musulmans aux PDG de Monsanto et de compagnies pétrolières qui saccagent la planète, du garagiste qui rejette tous ses déchets dans les égouts de son quartier aux techniciens qui ont construit une centrale nucléaire près d'une faille sismique, de celui qui se gare sur les places pour handicapés à celui qui fait son business avec le "marché" de la santé, du riche qui refuse de partager ses richesses au prolo qui vote pour "travailler plus", de celui qui tire des missiles depuis son hélico de combat à celui qui vous lâche la porte en pleine gueule, de l'invention des frontières à celle de l'argent, du réveil-matin, du salariat et des bombes nucléaires, tout ça participe de la même dynamique : la connerie. L'absurdité. Profonde, cruelle et grotesque.

Grotesque, car tout ceci n'est pas une fatalité ! Tout est fait pour que les êtres humains vivent autrement.
Leurs rythmes biologiques ; la finesse de leur motricité ; l'endurance et la puissance de leurs muscles ; l'étendue et l'acuité de leurs perceptions ; leur nature d'animal social et leur capacité à coopérer, à rire, à partager ; les millions de connexions neuronales de leur cerveau qui sont sensées leur permettent d'apprendre, de créer, d'inventer, trouver des solutions, ressentir de l'empathie, s'émouvoir, réfléchir, (ré)agir.
Les êtres humains disposent de tous les outils nécessaires à leur bonheur. Ils peuvent se sortir de la merde. Ils peuvent s'entraider. Ils peuvent réfléchir à leur propre condition, s'interroger sur le bien-fondé de leur organisation sociale, être sensibles à l'injustice, se révolter, faire preuve de bon coeur et de bon sens.
Ils peuvent.
Et pourtant, la majorité d'entre eux s'en abstiennent volontiers : réfléchir, se sortir les doigts du cul, se soucier des autres ça les intéresse pas ; même tenir une simple porte quelques secondes est au-dessus de leurs possibilités.
Et bien en toute franchise, pour ces gens là je n'ai aucune pitié : il n'y a pire esclavagiste que celui qui refuse de se libérer lui-même. Et je n'ai aucune estime pour les esclavagistes.


Par contre, par contre... il ne faut pas jeter le bébé avec le placenta ^^ et bien que nombre d'êtres humains soient dangereusement stupides au-delà de la limite cosmique et universelle du tolérable, tous ne sont pas faits du même bois pourri envahi par les termites de l'apathie ou de la cupidité.

Certains humains, rares et précieux, célèbres ou inconnus, défient tout déterminisme social, familial, religieux,  communautaire ou institutionnel : ils sont, souvent dès leur jeune âge, sensibles, curieux, drôles et perspicaces, voire insolents, touchés par les injustices, intelligents (bien que souvent leurs performances scolaires ne s'en ressentent pas, car comme chacun sait l'école n'est pas faite pour apprendre à réfléchir, mais pour apprendre bêtement et former une main d'oeuvre utile, et rentable, sur le marché économique) et autodidactes. Scientifiques sans domaine d'expertise, la vie, le monde et leurs semblables sont le terrain de jeu de leurs observations et expérimentations.
Certains prennent la plume, d'autres le pinceau, d'autres les tribunes, d'autres encore l'épée ; et tous sont pourvus de ce qui fait tant défaut aux autres êtres humains : un cerveau, un coeur, et des couilles.
Et ceux-là, je les aime :)

Il en est ainsi par exemple d'Alphone Allais (1854-1905), journaliste, écrivain, poète, photographe, peintre et humoriste acerbe de La Belle Epoque. Ce touche à tout s'essaya aussi à des travaux scientifiques : travaux sur la photographie couleur, sur la synthèse du caoutchouc, dépôt d'un brevet pour du café lyophilisé... mais c'est principalement pour son humour noir et incisif qu'il est connu.

Fils de pharmacien, il préféra passer son temps sur les terrasses des cafés ou dans les Jardins du Luxembourg. Son père lui coupa les vivres, et Alphonse Allais s'essaya à la photographie (sans grand succès) puis au journalisme, en publiant des chroniques loufoques. A cette époque, il fait également partie de divers groupes fantaisistes et décalés, comme Les Fumistes, Les Hydropathes ou Les Hirsutes. En 1880, après avoir finalement terminé ses études de pharmacie, il devient collaborateur du journal Le Chat Noir puis en devient directeur. Il continue toutefois de publier des chroniques ou des contes pour d'autres revues et journaux. A l'aube du 20ème siècle, il devient rédacteur en chef d'un journal intitulé Le Sourire, et continue à publier de nombreux recueils. Il s'essaya aussi à la politique, faisant partie d'une liste électorale et préconisant la mort de la Bureaucratie :
"L'origine de tous ces mots, citoyens, n'allez pas la chercher plus loin : c'est le microbe de la bureaucratie. Or, on ne parlemente pas avec les microbes : ON LES TUE. (...) Jetons par-dessus bord paperasses et registres, et, avec les ronds-de-cuir de ces incapables, faisons des bouées de sauvetage. (...) Vive la République libre et sans bureaux ! Albert Caperon, dit CAPTAIN CAP"
extraits de l'affiche électorale pour l'élection législative du 20 août 1893

(Le Captain Cap est un  personnage créé par Alphonse Allais dans son livre du même nom)

Il meurt d'une embolie pulmonaire consécutive à une phlébite. Son médecin lui avait bien prescrit un repos total en position allongée, mais Alphonse Allais ne put se résoudre à quitter ses amies de toujours : les terrasses de café ;)  Un jour, alors qu'un ami le raccompagnait à son domicile après une halte au bistrot, il lui dit ceci : "Demain, je serai mort ! Vous trouvez ça drôle, mais je ne ris pas. Demain, je serai mort !" et comme il l'avait annoncé, il mourut le lendemain.
Il fut enterré au cimetière de Saint-Ouen. Ironie du sort, la tombe d'Alphonse Allais (dont nombre des calembours et critiques visaient l'Armée, entre autres) fut pulvérisée par une bombe de la Royal Air Force pendant la Seconde Guerre Mondiale...

Véritable magicien de l'absurde et conteur hors-pair, Alphonse Allais a laissé derrière lui l'image d'un homme impertinent aux réflexions pertinentes, à l'humour acide et aux remarques acerbes.

Voici quelques-unes de ses plus splendides, absurdes et géniales créations ;)

- Alphonse Allais est semble-t-il l'auteur des premières peintures abstraites ; son goût immodéré pour l'absurde se retrouve notamment dans son monochrome "Récolte de la tomate sur les bords de la Mer Rouge par des cardinaux apoplectiques" (ha ha ^^'), présenté au Salon des Arts Incohérents.

- Il est aussi l'auteur de la première composition musicale minimaliste : sa "Marche Funèbre composée pour les Funérailles d'un Grand Homme Sourd" est une page vierge !, car comme chacun sait : les grandes douleurs sont muettes ^^'

- "J'ai toujours remis au surlendemain ce que j'aurais parfaitement pu faire l'avant-veille."

- "C'est l'humanité qui a perdu l'homme. Dire que cet idiot-là aurait pu être le plus heureux des animaux, s'il avait su se tenir tranquille. Mais non... il a inventé la civilisation."

- "La civilisation, qu'est-ce que c'est, sinon la caserne, le bureau, l'usine, les apéritifs, et les garçons de banque ?"

- "J'ai rencontré dans la vie plusieurs animaux pas beaucoup plus idiots que bien des électeurs."

- "L'homme est si peu le roi de la nature, qu'il est le seul de tous les animaux qui ne puisse rien faire sans payer."

- "C'est curieux comme l'argent aide à supporter la pauvreté..."

- "Faut-il que les hommes soient bêtes de fabriquer des machines pour se tuer... comme si on ne claquait pas assez vite tout seul !"

- "L'homme est imparfait mais ce n'est pas étonnant si l'on songe à l'époque où il fut créé."

- "La grande trouvaille de l'armée, c'est qu'elle est la seule à avoir compris que la compétence ne se lit pas sur le visage. Elle a donc inventé les grades."

- "La statistique a démontré que la mortalité dans l'armée augmente sensiblement en temps de guerre."

- "Ah ! le vieux rêve des gens honnêtes : pouvoir tuer quelqu'un en état de légitime défense."

- "Il faut prendre l'argent là où il se trouve, c'est-à-dire chez les pauvres. Bon d'accord, ils n'ont pas beaucoup d'argent, mais il y a beaucoup de pauvres."

- "On devrait pouvoir ouvrir des écoles pour professeurs inadaptés." 
(ha ha ^^ je l'adore celle-là ^^' et tellement contemporaine !)

- "Les asiles d'aliénés comportent dans leur personnel des internes et des internés. Entre ceux-ci et ceux-là, ne se dresse que l'épaisseur d'un accent aigu."

- "Il y a des types qui croient ressembler à Napoléon parce que leur femme s'appelle Joséphine."

- "Il est toujours avantageux de porter un titre nobiliaire. Etre "de quelque chose", ça pose un homme, comme être "de Garenne", ça pose un lapin."

- "Non, la stérilité n'est pas héréditaire."

- "L'avantage des médecins, c'est que lorsqu'ils commettent une erreur, ils l'enterrent tout de suite..."

- "Je ne suis pas de ceux qui s'imaginent qu'ils n'ont qu'à ouvrir la bouche pour que les alouettes tombent rôties. Non, mais tout de même j'ouvre la bouche de temps en temps."

"- Vous n'y allez pas par quatre chemins !
- Jamais ! Un seul, c'est plus court."

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