dimanche 10 avril 2011

Cynisme, Ironie, Humour noir et Sarcasme...

Cynisme, ironie, humour noir, sarcasmes... j'adore ça. Mais à propos... qu'est-ce donc que tout ça ?


L'humour noir
On attribue généralement à André Breton l’origine moderne de l’expression, avec son Anthologie de l'humour noir.

L'humour noir est une forme d'humour qui souligne avec cruauté, amertume et parfois désespoir l’absurdité du monde, face à laquelle il constitue une forme de défense.
Il consiste notamment à évoquer avec détachement, voire avec amusement, les choses les plus horribles ou les plus contraires à la morale en usage. Il établit un contraste entre le caractère bouleversant ou tragique de ce dont on parle et la façon dont on en parle.

Ce contraste interpelle le lecteur ou l’auditeur et a vocation de susciter une interrogation. C’est en quoi l’humour noir, qui fait rire ou sourire des choses les plus sérieuses, est potentiellement une arme de subversion.

Empreint de fatalisme, pathétique par certains côtés, cet humour est forcément une source de gêne.
Certains présentent d’ailleurs cette gêne comme un de ses ressorts, dans la mesure où le rire qu’il provoque doit gêner, voire donner honte, faire hésiter celui qui en rit entre sa réaction naturelle, le rire, et sa réaction réfléchie, l’horreur ou le dégoût.
Suivant les cultures il évolue entre désespoir et raillerie et sera plus ou moins accepté en fonction de la force des tabous qu’il titille.

L’humour noir n’a pas de tabou. C’est même par définition son terrain de prédilection.
Il ne faut cependant pas confondre humour noir et moquerie : l’humour, même noir, reste un trait d’esprit. Il préfère rire des choses pour n’avoir pas à en pleurer.
« Le rire est la politesse du désespoir. Si le rire sacrilège et blasphématoire que les bigots de toutes les chapelles taxent de vulgarité et de mauvais goût, si ce rire-là peut parfois désacraliser la bêtise, exorciser les chagrins véritables et fustiger les angoisses mortelles, alors oui on peut rire de tout, on doit rire de tout : de la guerre, de la misère et de la mort ! D’ailleurs est-ce qu’elle se gêne la mort, elle, pour se rire de nous ?  »
— Pierre Desproges, dans Le Tribunal des Flagrants Délires (28 septembre 1982)

Autres exemples :
« Juliette, tu es en vie ! s'écria un Roméo honteux, en remontant son caleçon. »
— micronouvelle d'Alferdo Alamo
« Tu aimes bien ta mère ? Alors reprends un bout. »
— Pierre Doris
« Vaut mieux coucher dans une vieille maison que dormir entre deux neuves. »
La Madeleine, Marcel Proust
« La hausse du pétrole entraîne des inquiétudes chez les handicapés moteurs. »
— Coluche
« Qui a coulé le Titanic ? Iceberg, encore un juif. »
Aphorismes, Serge Gainsbourg
« Un professeur de langues mortes s'est suicidé pour parler les langues qu'il connaissait. »
— L. Langanesi


Les Sarcasmes - Être sarcastique
Sarcastique : adjectif. Qui manifeste une ironie méchante, acerbe.

Le sarcasme (du grec ancien sarkasmos) désigne une moquerie ironique, une remarque tournant en dérision une personne ou une situation. Le sarcasme est mordant, souvent même amer et blessant.
Il peut être considéré comme une forme d'ironie piquante ou belliqueuse.

Le sarcasme reprend souvent des paroles qui viennent d'être prononcées pour en retourner la signification.
À l'oral, une intonation ou une mimique aide généralement à reconnaître cette sorte d'humour.
À l'écrit, il est plus difficile à déceler et est facilement mal interprété.

Tandis que le cynisme relève d'une bravade contre les valeurs, les convenances et les principes de la société, le sarcasme est plutôt une réaction à une situation plus piquante et amère. Il se rapproche de l'humour noir, mais est plus acerbe là où l'humour noir cherche plutôt à faire rire.
Le sarcasme n'est d'ailleurs pas toujours considéré comme une forme d'humour.
(mais les gens qui disent ça n'ont - le plus souvent - aucun humour ^^)

Les phrases suivantes (en italiques et en gras), dites d'une certaine manière et dans un certain contexte, sont sarcastiques :

— Ce restaurant est-il aussi spécial qu'il l'annonce ?
Ça pour être spécial, il est spécial...

— T'as pas vu le sel ?
Et ça, c'est un moteur d'avion ?

Autre exemple : Bigard, dans l'un de ses premiers sketch à succès "Les expressions" utilise à foison les remarques sarcastiques.


L'ironie
(du latin ironia, du grec eirôneia, action d'interroger)
- Manière de railler, de se moquer en ne donnant pas aux mots leur valeur réelle ou complète, ou en faisant entendre le contraire de ce que l'on dit.
- Opposition, contraste entre une réalité cruelle, décevante et ce qui pouvait être attendu.

L'ironie désigne un décalage entre le discours et la réalité, entre deux réalités ou plus généralement entre deux perspectives, qui produit de l'incongruité, de l'absurdité.
L'ironie recouvre un ensemble de phénomènes distincts dont les principaux sont l'ironie verbale et l'ironie situationnelle. Quand elle est intentionnelle ^^  l'ironie peut servir diverses fonctions sociales et littéraires.

L’ironie verbale est une forme de langage non-littéral, c'est-à-dire un énoncé dans lequel ce qui est dit diffère de ce qui est signifié. L'ironie peut-être produite de différentes manières, et certaines de ces manières correspondant à des figures de style classiques :

  • L'antiphrase ironique. La plus fréquente des formes d'ironie, elle consiste à dire l'inverse de ce que l'on souhaite signifier tout en laissant entendre ce que l'on pense vraiment :
« Quelle belle journée ! » pour signifier qu'il pleut des cordes.
« - Jules, tu m'aimes ? - Non, je te déteste ... » répond Jules pour dire à sa chérie qu'il est fou d'elle.

  • L'hyperbole ironique qui consiste à exagérer ses propos :
« Je suis carrément mort de rire… » venant de quelqu'un à qui on a fait une plaisanterie douteuse.

  • La litote ironique qui consiste au contraire à minimiser ses propos :
« Il n’est pas complètement stupide » à quelqu’un qui vient de résoudre un problème compliqué.

D'autres figures de style sont connues pour induire de l'ironie : la juxtaposition, la digression, la circonlocution... Mais des énoncés peuvent être ironiques sans pour autant être des figures de style reconnues.


Le Cynisme
(du latin cynismus, du grec kunismos)
Mépris effronté des convenances et de l'opinion qui pousse à exprimer sans ménagements des principes contraires à la morale, à la norme sociale.

D'où ça vient ?
Le cynisme était une attitude face à la vie provenant d'une école philosophique de la Grèce Antique, fondée par Antisthène, et connue principalement pour les propos et les actions spectaculaires de son disciple le plus célèbre, Diogène de Sinope.

Le terme « cynisme » provient du grec ancien kuôn, qui signifie « chien ». Le Cynosarge (littéralement « chien agile ») était le nom du gymnase dans lequel Antisthène enseignait. Les métaphores autour du chien ont ensuite abondé, si bien qu'il est difficile d'en isoler l'exacte origine historique. La plus significative est celle présentant l'animal comme modèle.
Ainsi, le modèle du cynisme est l'animal. La société est perçue comme corruptrice et changeante, là où la nature est vertueuse et universelle. Diogène se revendique ainsi cosmopolitain, c'est-à-dire "citoyen du monde".
Platon définissait Diogène de Sinope comme "un Socrate devenu fou", dont le but est de subvertir tout conformisme, tout modèle moral. Sa philosophie se traduit par des actes volontairement provocateurs : il aurait transgressé les fondements mêmes de la "culture humaine" au point d'uriner et aboyer comme un chien ou de se masturber en public ; il n'hésitait pas à mendier, ne respectant aucune opinion admise et provoquant même les puissants.
Le mouvement cynique, inscrit dans la société antique, se présente avant tout comme un modèle de contestation.

Le héros et modèle des philosophes cyniques est Héraclès (Hercule en romain), car c'est un héros qui ne se laisse influencer par personne, est libre et n'a pas d'attachement particulier. Le cynisme utilise ainsi beaucoup d'images et de modèles, dans le but de toucher toutes les classes de la population, sans se focaliser sur les élites intellectuelles.

Les armes du cynique sont la transgression, l'ironie et le quotidien de façon plus général. En transgressant tous les interdits, le cynique veut démontrer qu'aucune des règles sociales n'est essentielle, et que seule compte l'éthique naturelle, universelle : la vertu.

L'école cynique prône donc la vertu et la sagesse, qualités qu'on ne peut atteindre que par la liberté.
Cette liberté, étape nécessaire à un état vertueux et non finalité en soi, se veut radicale face aux conventions communément admises, dans un souci constant de se rapprocher de la Nature.

Cette école philosophique a tenté un renversement des valeurs dominantes du moment, enseignant la désinvolture et l'humilité aux grands et aux puissants de la Grèce antique. Radicalement matérialistes et anticonformistes, les Cyniques, et à leur tête Diogène, proposaient une autre pratique de la philosophie et de la vie en général, subversive et jubilatoire.

Par une dérivation du terme, on parle de nos jours de cynisme pour désigner un mode de pensée qui diffère tellement des normes établies (en particulier dans le domaine de la morale) qu'il en deviendrait choquant.
On peut attacher à ce cynisme une sorte d'humour noir, mordant et ironique, souvent employé pour manifester une certaine rébellion face à un monde incompréhensible en raison de la multiplicité des conventions factices, socialement admises, qui le régissent.
Au-delà de cette indifférence affichée à la morale et aux convenances, le « cynique » moderne n'a plus grand-chose à voir avec les philosophes antiques.
 

---
"L'humour est enfant de nos haines."
Jacques Prévert

"L'humour est un phénomène produit par une précipitation soudaine de la culture dans la barbarie."
Wyndham Lewis, extrait de Blasting and bombardiering


---
Sources :

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Vous pouvez laisser un message, Hermès transmettra :