samedi 30 avril 2011

C'est quoi le 1er Mai ? (version courte et version longue)

C'est quoi le 1er mai ?
* la version courte *

D'où viennent les traditions du 1er mai ? Pourquoi le muguet, pourquoi la "Fête du Travail", pourquoi la "Journée Internationale des Travailleurs" ? Voici quelques réponses, version courte puis version longue.


Pourquoi le 1er mai est-il le jour de la Fête du Travail ?
Les origines du 1er mai se trouvent aux USA, plus précisément à Chicago. Le 1er mai 1886, des travailleurs organisent une grande grève : ils sont dans la rue pour revendiquer la journée de travail de 8 heures. Les manifestations durent plusieurs jours, et des ouvriers sont tués lors d'affrontements avec les forces de l'ordre (ou les forces du désordre, ça dépend du point de vue).

En France, trois ans plus tard, en 1889, les organisations ouvrières cherchent une date pour organiser une manifestation : “La Journée Internationale des Travailleurs”.
Leur objectif est aussi de réclamer la journée de travail de 8 heures : une date s’impose alors forcément, en souvenir des ouvriers tués à Chicago : le 1er mai. 

Autres dates importantes : 1941 et 1947

1941 : le Maréchal Pétain transforme La Journée Internationale des Travailleurs en Fête du Travail : hé oui, "Travail - Famille - Patrie", ça colle tellement mieux avec la propagande nazie...
De nos jours, l'appellation officielle du 1er mai  "Fête du Travail" persiste, trace nauséabonde de la France collabo et du Régime de Vichy, trahissant ostensiblement les origines ouvrières et internationalistes de ce jour particulier.

1947 : la journée du 1er mai devient un jour chômé et payé.


D’où vient la tradition du muguet pour le 1er mai ?
C'est une tradition beaucoup plus ancienne : au Moyen-Âge, au mois de mai, les hommes accrochaient des fleurs et notamment du muguet au-dessus de la porte de leur bien-aimée, ou encore à leurs cheveux.
Mais ce serait Charles IX qui aurait instauré cette tradition : le 1er mai 1561, le Roi aurait offert des brins de muguet à toutes les dames de la cour, comme porte-bonheur, et souhaita qu’il en soit ainsi chaque année.


Y a-t-il un lien entre le muguet la Journée Internationale des Travailleurs ?
C’est au 20ème siècle que le muguet est associé à la Journée Internationale des Travailleurs (forcément, puisque la Journée Internationale des Travailleurs n’existait pas avant, hein).
Le 1er mai, les manifestants avaient pris l’habitude de défiler en portant à la boutonnière un triangle rouge (pointe vers le haut, à la différence des triangles imposés par le "marquage nazi" dont la pointe était tournée vers le bas en signe de soumission et d’infériorité) qui symbolise leurs revendications : une journée divisée en 3 parts égales entre le sommeil, le travail et les loisirs.
Ce triangle fut ensuite remplacé par la fleur d’églantine, puis par le muguet.
Néanmoins, il n'est pas rare de voir de nos jours des personnes défiler le 1er mai avec un triangle rouge à la boutonnière, comme au bon vieux temps :)



C'est quoi le 1er mai ?
* la version longue *

Les origines du 1er Mai et de la Fête des Travailleurs : le 1er mai 1886
"Le 1er mai 1886, la pression syndicale permet à environ 200.000 travailleurs américains d'obtenir la journée de huit heures. Le souvenir de cette journée amène les Européens, quelques années plus tard, à instituer une «journée internationale des travailleurs» ou «Fête des travailleurs».
Cette journée est aujourd'hui plus volontiers appelée «Fête du Travail», bien que l'expression prête à confusion..."
Joseph Savès

Imposer un temps limite de travail ?
Au cours du IVème Congrès de l'American Federation of Labor, en 1884, les principaux syndicats ouvriers des États-Unis s'étaient donné 2 ans pour imposer aux patrons une limitation de la journée de travail à 8 heures. Ils avaient choisi de débuter leur action un 1er mai pour des raisons "symboliques", car beaucoup d'entreprises américaines entamaient leur année comptable ce jour-là.
Arrive le 1er mai 1886. Beaucoup de travailleurs obtiennent immédiatement satisfaction de leur employeur. Mais d'autres, moins chanceux, au nombre d'environ 340.000, doivent faire grève pour forcer leur employeur à céder.

Le 3 mai, le mouvement de grève continua et beaucoup d’ouvriers se joignirent aux grévistes du 1er mai, paralysant ainsi l’économie de la ville de Chicago. La violence des forces de l’ordre, contenue durant la journée du 1er mai, allait éclater devant les grilles d’une usine de machines et outils agricoles, la McCormick Harvester Works (aujourd’hui International Harvester Corporation) : le patron de cette usine avait remplacé ses employés par 300 "briseurs de grève".
À la sortie de l'usine, ceux-ci furent pris à parti par les grévistes. Brusquement, la police chargea et tira sur la foule pour disperser les manifestants. On compta trois morts parmi les grévistes de la société McCormick Harvester.

Une marche de protestation eut lieu le lendemain, mardi 4 mai.
Elle se termine à Haymarket Square, non loin d’un commissariat de police de Chicago. Dans la soirée, tandis que la manifestation se disperse, il ne reste plus que 200 manifestants face à autant de policiers. C'est alors qu'une bombe explose devant les forces de l'ordre : elle fait une dizaine de morts dans les rangs de la police.

Explosion à Haymarket Square

Du côté des manifestants, le bilan fut également lourd, un mort et de très nombreux blessés. Trois syndicalistes anarchistes sont jugés et condamnés à la prison à perpétuité, et cinq autres sont pendus le 11 novembre 1886 malgré des preuves douteuses.

Les représentants du mouvement ouvrier de Chicago 
- Albert Parsons,
- August Spies,
- Michael Schwab,
- George Engel,
- Adolph Fischer,
- Samuel Fielden et
- Louis Lingg
furent arrêtés, jugés et condamnés à la pendaison.

Parsons, Spies, Fischer, Engel furent exécutés.
Fielden et Schwab réclamèrent la clémence et virent leur condamnation commuée en peine d’emprisonnement à vie.
Quant à Lingg, dont la mort reste un mystère qui n’a toujours pas été éclairci, il se serait suicidé dans sa cellule.
Le procès des "martyrs de Chicago" a inauguré le règne de la terreur pour le mouvement ouvrier. Comme plus tard, le cas de Sacco et Vanzetti et l’affaire Rosenberg, ce procès reste un exemple de la "justice" à la solde des puissants et de l'État.

    Stèle vengeresse :
Sur une stèle du cimetière de Waldheim, à Chicago, sont inscrites les dernières paroles de l'un des condamnés, Augustin Spies :  
« Le jour viendra où notre silence sera plus puissant que les voix que vous étranglez aujourd’hui »


Manifester pour la journée de 8 heures 
Trois ans après le drame de Chicago, la IIème Internationale Socialiste réunit à Paris son deuxième Congrès. Celui-ci se tient au 42, rue Rochechouart, salle des Fantaisies parisiennes pendant l'Exposition universelle qui commémore le centenaire de la Révolution Française.

Les congressistes se donnent pour objectif la journée de travail de 8 heures (soit 48 heures hebdomadaires, seul le dimanche étant chômé). Jusque-là, il était habituel de travailler dix ou douze heures par jour voire beaucoup plus (en 1848, en France, un décret réduisant à 10 heures la journée de travail n'a pas résisté plus de quelques mois à la pression patronale).

Le 20 juin 1889, sur une proposition de Raymond Lavigne, les congressistes de la IIème Internationale Socialiste décident qu'il sera organisé «une grande manifestation à date fixe de manière que dans tous les pays et dans toutes les villes à la fois, le même jour convenu, les travailleurs mettent les pouvoirs publics en demeure de réduire légalement à huit heures la journée de travail et d'appliquer les autres résolutions du congrès.»

Le 1er mai 1891, à Fourmies, une petite ville du nord de la France, la manifestation ouvrière tourne au drame.
Les forces de l'ordre, équipées des nouveaux fusils Lebel et Chassepot, tirent à bout portant sur la foule. Elles feront dix morts, dont huit de moins de 21 ans.

L'une des victimes, l'ouvrière Marie Blondeau, habillée de blanc et les bras couverts de fleurs, devient le symbole de cette journée.


Avec le drame de Fourmies, le 1er Mai s'enracine dans la tradition de lutte des ouvriers européens. Quelques mois plus tard, à Bruxelles, l'Internationale Socialiste renouvelle le caractère revendicatif et international du 1er mai.

Le Traité de Paix, signé à Versailles le 28 juin 1919, fixe dans son article 247 « l'adoption de la journée de huit heures ou de la semaine de quarante-huit heures comme but à atteindre partout où elle n'a pas encore été obtenue ».  
Dès lors, les manifestations rituelles du 1er mai ne se cantonnent plus à la revendication de la journée de 8 heures : elles deviennent aussi l'occasion de revendications plus diverses.

La Russie soviétique, sous l'autorité de Lénine, décide en 1920 de faire du 1er mai une journée chômée. Cette initiative est peu à peu imitée par d'autres pays.

Dans l'Allemagne nazie, Hitler tente de se rallier le monde ouvrier : dès 1933, il fait du 1er mai une journée chômée et payée. La tentative d'instrumentalisation du 1er mai par l'extrême-Droite se poursuit : en France, sous l'Occupation, le Maréchal Pétain transforme “La Journée Internationale des Travailleurs” en “Fête du Travail” (en référence à "Travail - Famille - Patrie").


Le 1er mai en France
Dès 1890, les manifestants du 1er mai ont pris l'habitude de défiler en portant à la boutonnière un triangle rouge. Celui-ci symbolise la division de la journée en trois parties égales : travail, sommeil, loisirs. Le triangle est quelques années plus tard remplacé par la fleur d'églantine.

En 1907, à Paris, le muguet - symbole du printemps en Île-de-France - remplace la fleur d'églantine. Le brin de muguet est porté à la boutonnière, avec un ruban rouge.

Le 23 avril 1919, le Sénat français ratifie la journée de huit heures et fait du 1er mai suivant, à titre exceptionnel, une journée chômée.

Le 1er mai 1936, les manifestations prennent une résonance particulière car elles surviennent deux jours avant le 2ème tour des élections législatives - qui vont consacrer la victoire du Front Populaire et porter à la tête du Gouvernement français le leader socialiste Léon Blum.


C'est pendant l'occupation allemande, le 24 avril 1941, que le 1er mai est officiellement désigné comme la "Fête du Travail et de la Concorde Sociale" et devient chômé.
Cette mesure vise à rendre le Régime de Vichy populaire auprès des ouvriers. L'initiative en revient à René Belin, un ancien dirigeant de l'aile socialiste de la CGT (Confédération Générale du Travail), qui est devenu Secrétaire d'État au Travail dans le gouvernement du Maréchal Pétain...
À cette occasion, la radio officielle ne manque pas de faire de la propagande pour Pétain, en rappelant que le 1er Mai coïncide avec la fête du Saint Patron du Maréchal !, à savoir Saint Philippe.
(ouf ! de nos jours la St Philippe est fêtée le 3 mai... le 1er mai est donc libéré de cette malédiction)

En avril 1947, la mesure est reprise par le gouvernement issu de la Libération, qui fait du 1er mai un jour férié et payé.


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"Dieu et le diable représentent un effort louable de spécialisation dans la division du travail."
Samuel Butler

"À celui qui vous dira qu'il s'est enrichi par le travail, demandez : « De qui ? »"
Don Marquis

"Les économistes ont raison, disait un homme de Bourse : le capital est du travail accumulé. Seulement, comme on ne peut pas tout faire, ce sont les uns qui travaillent et les autres qui accumulent."
Auguste Detoeuf, extrait de Propos d'O.L. Barenton, confiseur 

"Une conséquence immédiate du fait que l'homme est rendu étranger au produit de son travail : l'homme est rendu étranger à l'homme."
Karl Marx


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Sources consultées pour la rédaction de cet article :

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